La dame au sari bleu by Katherine Scholes

Auteur:Katherine Scholes [Scholes, Katherine]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Pocket
Publié: 2013-08-13T04:00:00+00:00

* * *

Ellen était allongée au milieu de son grand lit ; elle étendit les jambes, les pointes dans les diagonales. Ensuite, elle roula avec lenteur sur le ventre et sentit le drap en coton tirer doucement sur sa peau. Des rais de lumière filtraient à travers les rideaux. Elle prit sa montre et vit qu’il était presque midi. Elle tâcha de raisonner son inquiétude : Ziggy et Skye étaient quand même capables de se prendre en charge pendant quelques heures dans un hôtel quatre étoiles. Elle les imagina dans le hall, tremblantes sous les hautes voûtes mogholes, apeurées par le ciel étranger au-dehors. Serrées l’une contre l’autre, elles se parlaient à voix basse, ayant du mal à croire qu’elles s’étaient échappées. La clinique, les médecins, les visites, les cartes et les fleurs, tout cela, c’était fini. Et elles étaient ensemble, elles n’étaient pas seules. Elle ferma les yeux très fort, en proie à une immense solitude. Un terrible poids lui écrasait la poitrine. Elle, elle n’avait personne, elle n’avait rien.

Elle imagina Zelda et James en train de manger d’énormes sandwiches dans le soleil de midi. Assis côte à côte, dos appuyé au mur chaud du cabanon, ils avaient tellement faim qu’ils avalaient sans rien dire. En face d’eux s’étendait la mer, très bleue, le détroit, le golfe, puis l’océan jusqu’en Amérique... où maman était partie.

Elle se mordit la main. Souviens-toi de moi, je t’en supplie.

La voix de Zelda. Papa, elle rentre quand, maman ?

Elle ne va pas rentrer, mon ange. Il faut nous habituer à vivre sans elle.

Ellen ne bougeait plus, respirant à peine. Un lézard traversa tranquillement le plafond. Peut-être que... Un faible espoir s’insinua en elle, ténu comme la lumière qui passait entre les rideaux. Peut-être que, quand Zelda serait un peu plus vieille, quand elle serait plus... plus indépendante... Quand elle ne serait plus une enfant qui a besoin de sa mère mais presque une adulte... Alors, peut-être que ce jour-là...

Non. Elle referma les yeux, clouée de douleur au souvenir de ce que James lui avait dit.

— Tu ne reviendras jamais, Ellen. Tu comprends ça, j’espère ?

Il était furieux, haineux, il avait peur.

— Nous allons apprendre à vivre sans toi. Quand tu seras partie, tu n’existeras plus pour nous. Ça sera fini, terminé.

Elle s’assit dans le lit, prit le menu du service d’étage et décrocha le téléphone.

— Oui, madame ?

— Faites-moi monter du café, bien fort.

— Bien, madame.

— La salade de fruits frais, elle se compose de quels fruits ?

— De mangues.

— Et le fruit du jour, c’est quoi ?

— De la mangue.

— Ah... D’accord, je vais prendre ça.

— Lequel, madame ?

— Heu... la mangue. La mangue du jour.

— Bien, madame. Dix minutes, s’il vous plaît.

Ellen s’étira comme un chat, se cambra. Puis elle ferma les yeux et essaya de se détendre. Le mieux serait de prendre son petit déjeuner, puis d’aller nager dans la piscine. Il fallait profiter de cette brève liberté. Dire que c’était elle qui décidait de tout, maintenant ! Très drôle ! Jusqu’à présent, elle se débrouillait à merveille.

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